Dans "Moulinsart/Hollywwod", l'excellent documentaire que Benoît Peeters a consacré aux relations entre Tintin et le cinéma, Philippe de Broca révèle que Spielberg lui a avoué un jour dans une lettre avoir vu neuf fois "L'Homme de Rio" (lequel a beaucoup inspiré "Les Aventuriers de l'arche perdue"). Broca confesse aussi : "Je suis un fanatique d'Hergé. Je connaissais tout par coeur."
Il est d'ailleurs un autre de ses films qui fait un clin d'oeil discret aux aventures de Tintin (1). Il s'agit du délicieux "Diable par la queue", tourné à l'été 68 au château de Fléchères, dans l'Ain. Ah, la jupe courte et les pieds nus de Marthe Keller ! Ah, la mélancolique Clotilde Joano ! Ah, la musique de Georges Delerue ! (Et un Jean-Pierre Marielle impeccable, comme d'habitude).
Bref, à la fin du film, Yves Montand veut indiquer un terrain d'atterrissage à ses complices venus le récupérer en avion, lui et les billets de banque d'un casse réalisé peu avant. Pour cela, il utilise des lanternes disposées en triangle dans un champ.
Exactement comme Tintin dans "L'ile noire".
L'attente :
Le bruit de l'avion :
L'arrivée de l'avion :
La course finale :
(Pour voir la scène en entier, regarder ici à partir de 1h22''.)
Outre la succession fidèle des séquences, ce qui les rapproche, c'est la lumière crépusculaire, ces bleu-nuit dans lesquels Hergé excellait. Ce crépuscule bleuté fait tout le charme esthétique de ces deux scènes.
Dans les deux cas, l'opération des "méchants" échoue.
Outre ce magnifique clin d'oeil hergéen, "Le Diable par la queue" a aussi quelque chose des "Bijoux de la Castafiore". C'est un "film de château". Tout ou presque se déroule dans le château et ses jardins, comme pour les "Bijoux" et Moulinsart. Il y est aussi question d'un vol (bijoux d'un côté, billets de banque de l'autre). Et le piano est omniprésent dans les deux histoires.
Il est en revanche une immense différence entre les deux oeuvres. "Le Diable par la queue" est tout en sensualité, avec un trio de femmes irrésistibles, espiègles, sexys. On ne peut en dire autant de Bianca et Irma...
(1) Il n'est pas recensé dans le très complet "Tintin, Hergé et le cinéma", de Philippe Lombard (Democratic Books, 2011), qui consacre un chapitre à Philippe de Broca.