Ligne claire, ligne sombre & autres aventures

lundi 3 décembre 2018

Qui est le borgne de "L'art moderne" de Joost Swarte ?

"Esclaves de la seringue !" ouvre "L'art moderne". C'est aussi le premier récit complet que Swarte a publié dans Charlie Mensuel, sur un scénario de Willem. Plusieurs personnages de cette aventure sont d'ailleurs des créations graphiques antérieures de Willem.

Cette histoire de 16 pages est parue dans le n°64 de Charlie Mensuel de mai 1974. Mais Swarte a commencé à la dessiner en 1973, comme le montre sa signature sur la "splash page" d'ouverture. Ces dates ne sont peut-être pas innocentes. Le 6 octobre 1973, en effet, éclatait la guerre du Kippour...

Or, avec son crâne chauve et son bandeau noir sur l'oeil gauche, le personnage de Sam Skunk, chef d'un réseau international de trafiquants de drogue, ressemble furieusement au chef militaire israélien Moshe Dayan, omniprésent dans la couverture médiatique du conflit. Les traits "graphiques" de son visage avaient tout pour inspirer Swarte.

(Première apparition de Sam Skunk.)

(Comme un petit air de famille...)

Le sourire caractéristique de Moshe Dayan se retrouve chez Sam Skunk :





Son air dur, aussi :





"Esclaves de la seringue !" est un récit important dans la carrière de Swarte. C'est avec lui que les Français ont pu le découvrir. Graphiquement, ces 16 pages marquent une étape cruciale dans son évolution : "Quand cette histoire a été publiée dans Charlie Mensuel, j'avais trouvé mon style définitif entre l'underground américain de Robert Crumb, Vaugh Bodé ou Gilbert Shelton, et mes lectures de jeunesse, Hergé ou Brunhoff, l'auteur de Babar", a expliqué Swarte au Monde, en 2010.

Invoquer Babar comme inspiration pour une aventure trash truffée de gangsters et de drogués ne manque pas de sel. C'est justement ce contraste -dessins acidulés, scénarios subversifs- qui fait le charme unique des histoires réunies dans "L'art moderne".



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire