On sait que Swarte a inventé le concept de "Ligne Claire". Mais il est aussi celui qui, le premier, a utilisé l'expression "Style Atome". Et l'a théorisée. Le tout la même année, en 1977. Plutôt pas mal pour un "praticien" (et non un critique d'art)...
(Swarte, dessin paru dans L'Expo 58 et le Style Atome, par Didier Pasamonik et René Paquot, Magic Strip, 1983) |
Le Style Atome -alias "Atomstijl" en VO- apparait dans une page d'un numéro de Tante Leny, en 1977 :
Sous la forme d'une conversation entre Anton Makassar (peintre un peu ridicule, qui revient régulièrement dans les histoires de Swarte) et Pierre van Genderen (autre personnage récurrent, sorte d'artisan un peu simplet), les principales bases de ce style sont énoncées : ce serait un lointain héritier de l'Art Deco (comme le montre bien l'esthétique de la page ci-dessus), réactivé par des designers audacieux, qui dessineraient des lampes rouge-jaune-noir en forme de tulipes ou des meubles à télévision aux contours de palette de peintre. Bref, pour le dire plus simplement, ce serait assez proche de ce que l'on appelait le style "fifties" au début des années 80.
Par dérision, Swarte écrira que c'est ce style qui a donné son nom au fameux Atomium de l'Exposition universelle de 1958, à Bruxelles.
Le dessinateur donnera un petit complément à sa théorie dans la fausse page de journal inclue dans son 30 x 40 :
Les exemples d'artistes que donne Swarte pour illustrer le Style Atome disent assez le flou graphique du concept. Il en cite trois, assez différents les uns des autres : Ever Meulen, Mariscal et les Bazooka. On voit par là qu'il s'agit moins d'un style graphique codifié (comme l'est la Ligne Claire) qu'une manière de revisiter le passé.
Et d'ailleurs, le seul artiste à véritablement mériter stricto sensu d'être enrôlé dans cette "école" parmi les trois cités, à mon sens, c'est Ever Meulen. On se souvient de son célèbre dessin, qui pourrait servir de punchline au mouvement : "Use the mood of the past to rewire your brain for the future !" Voici un autre exemple fifties magnifique signé Ever Meulen (il en existe aussi une version sérigraphiée en couleurs) :
Ligne Claire et Style Atome : ces deux concepts sont à l'origine de nombre de malentendus et de débats métaphysiques sans fin pour déterminer qui en est et qui n'en n'est pas (nous aurons sans nul doute l'occasion d'y revenir dans ce blog).
On lit par exemple souvent que Chaland et Serge Clerc appartiendraient au style Ligne Claire. C'est littéralement absurde. Ils dérogent superbement à la première règle de base de cette école : l'épaisseur égale du trait quelque soit le plan. Il suffit de regarder les contours épais des pantalons ou des imperméables dans Bob Fish ou La Nuit du Mocambo pour être fixé. Didier Pasamonik, spécialiste s'il en est, avait même joliment titré l'un de ses articles : La Ligne Clerc n'est pas une Ligne Claire. Et même le dernier Chaland de F.52, plus épuré, ne peut en aucun cas être classé dans la Ligne Claire.
Alors, Chaland et Serge Clerc seraient-ils des dessinateurs "Atome" ? Ils répondent en tout cas parfaitement à l'un des critères énoncés par Joost Swarte : "Prendre plaisir à redécouvrir le graphisme des années 50". Et ils furent les deux premiers auteurs publiés (avec Cornillon) dans la fameuse collection Atomium 58 de Magic-Strip -même si Chaland pouvait difficilement introduire du design Raymond Loewy dans Godefroid de Bouillon...
C'est d'ailleurs un dessin de Chaland qui a été choisi pour l'affiche de l'exposition consacrée au Style Atome à Bruxelles, en 2009 (on pourra lire ici les très intéressants articles consacrés au sujet par Paul Gravett, le commissaire de l'exposition).
Il est certain que le Style Atome a beaucoup plus d'affinités avec l'école de Marcinelle qu'avec l'école d'Hergé. Les meubles de Modeste et Pompon et la Turbotraction en sont de bonnes illustrations. Et graphiquement Chaland lorgnait beaucoup plus du côté de Franquin, Tillieux et Will (ses villas, la maison de Monsieur Choc...) que vers Hergé ou Jacobs.
Disons que la Ligne Claire est une école graphique et le Style Atome une nostalgie revisitée.
(Swarte, première mention du Style Atome, Tante Leny, 1977) |
Sous la forme d'une conversation entre Anton Makassar (peintre un peu ridicule, qui revient régulièrement dans les histoires de Swarte) et Pierre van Genderen (autre personnage récurrent, sorte d'artisan un peu simplet), les principales bases de ce style sont énoncées : ce serait un lointain héritier de l'Art Deco (comme le montre bien l'esthétique de la page ci-dessus), réactivé par des designers audacieux, qui dessineraient des lampes rouge-jaune-noir en forme de tulipes ou des meubles à télévision aux contours de palette de peintre. Bref, pour le dire plus simplement, ce serait assez proche de ce que l'on appelait le style "fifties" au début des années 80.
Par dérision, Swarte écrira que c'est ce style qui a donné son nom au fameux Atomium de l'Exposition universelle de 1958, à Bruxelles.
Le dessinateur donnera un petit complément à sa théorie dans la fausse page de journal inclue dans son 30 x 40 :
(Swarte, 30 x 40, Futuropolis) |
Les exemples d'artistes que donne Swarte pour illustrer le Style Atome disent assez le flou graphique du concept. Il en cite trois, assez différents les uns des autres : Ever Meulen, Mariscal et les Bazooka. On voit par là qu'il s'agit moins d'un style graphique codifié (comme l'est la Ligne Claire) qu'une manière de revisiter le passé.
Et d'ailleurs, le seul artiste à véritablement mériter stricto sensu d'être enrôlé dans cette "école" parmi les trois cités, à mon sens, c'est Ever Meulen. On se souvient de son célèbre dessin, qui pourrait servir de punchline au mouvement : "Use the mood of the past to rewire your brain for the future !" Voici un autre exemple fifties magnifique signé Ever Meulen (il en existe aussi une version sérigraphiée en couleurs) :
(Ever Meulen, carte de voeux pour WEA, 1977) |
Ligne Claire et Style Atome : ces deux concepts sont à l'origine de nombre de malentendus et de débats métaphysiques sans fin pour déterminer qui en est et qui n'en n'est pas (nous aurons sans nul doute l'occasion d'y revenir dans ce blog).
On lit par exemple souvent que Chaland et Serge Clerc appartiendraient au style Ligne Claire. C'est littéralement absurde. Ils dérogent superbement à la première règle de base de cette école : l'épaisseur égale du trait quelque soit le plan. Il suffit de regarder les contours épais des pantalons ou des imperméables dans Bob Fish ou La Nuit du Mocambo pour être fixé. Didier Pasamonik, spécialiste s'il en est, avait même joliment titré l'un de ses articles : La Ligne Clerc n'est pas une Ligne Claire. Et même le dernier Chaland de F.52, plus épuré, ne peut en aucun cas être classé dans la Ligne Claire.
Alors, Chaland et Serge Clerc seraient-ils des dessinateurs "Atome" ? Ils répondent en tout cas parfaitement à l'un des critères énoncés par Joost Swarte : "Prendre plaisir à redécouvrir le graphisme des années 50". Et ils furent les deux premiers auteurs publiés (avec Cornillon) dans la fameuse collection Atomium 58 de Magic-Strip -même si Chaland pouvait difficilement introduire du design Raymond Loewy dans Godefroid de Bouillon...
C'est d'ailleurs un dessin de Chaland qui a été choisi pour l'affiche de l'exposition consacrée au Style Atome à Bruxelles, en 2009 (on pourra lire ici les très intéressants articles consacrés au sujet par Paul Gravett, le commissaire de l'exposition).
(Chaland, affiche de l'exposition Atomium Comics.) |
Il est certain que le Style Atome a beaucoup plus d'affinités avec l'école de Marcinelle qu'avec l'école d'Hergé. Les meubles de Modeste et Pompon et la Turbotraction en sont de bonnes illustrations. Et graphiquement Chaland lorgnait beaucoup plus du côté de Franquin, Tillieux et Will (ses villas, la maison de Monsieur Choc...) que vers Hergé ou Jacobs.
Disons que la Ligne Claire est une école graphique et le Style Atome une nostalgie revisitée.
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