Joost Swarte, ligne claire & autres aventures: Pourquoi Imago Moderna ?

Parce-que c'est le titre de l'une des six histoires qui composent L'Art moderne, de Joost Swarte, dessinateur dont il sera souvent question ici. A l'origine, si l'on en croit une brève publiée dans le n°25 de Tante Leny, Imago Moderna devait même être le titre de l'album (lequel, dans une mouture encore antérieure était annoncé sous le titre Joost Swartes Comix and Stories).

On considère parfois que l'édition originale de cet album est celle parue en anglais chez l'éditeur hollandais Real Free Press, en juillet 1980, sous cette couverture :

Cette édition a été tirée à 2000 exemplaires numérotés et signés :

(Cet exemplaire est enrichi d'une dédicace, collection personnelle)

Pourtant, l'édition française parue aux Humanoïdes Associés est antérieure, puisqu'elle est sortie en janvier 1980, sous une autre couverture :

Les Humanoïdes Associés en feront la promotion sur un quart de page du n°49bis de Métal Hurlant.

Ainsi que dans le n°47 du mensuel, où est présenté l'album de Jooste (sic) Swarte :

Real Free Press en commercialisera d'ailleurs une sorte de variante à peu d'exemplaires, sur laquelle est apposé un papillon en page intérieure et qui est signée par Swarte :

L'album sera repris cinq ans plus tard par Futuropolis, dans un format un tout petit peu plus grand, sous une troisième couverture :

Autre différence : l'édition Humanos était sur papier glacé, celle de Futuro sur papier plus mat. Etrangement, je préfère celle des Humanos et ses couleurs un peu acidulées (réalisées à l'écoline, une aquarelle liquide), même s'il y eut un problème d'inversion des films à la page 28 -faisant briller un soleil mauvais dans la nuit d'Imago Moderna-, corrigé dans l'édition Futuro.

Certaines des histoires composant cet album avaient été pré-publiées dans Charlie Mensuel, le plus mésestimés des magazines de bandes dessinées des années 70 (nous aurons sûrement l'occasion d'y revenir dans d'autres posts). La première fut Esclaves de la seringue !, dans le numéro 64 de mai 1974. "Swarte est un jeune qui dessine comme un vieux, ça lui passera", écrivait Wolinski dans son édito. Pas sûr...

C'est Willem qui avait rabattu son compatriote hollandais vers Charlie. "J'étais en train d'écrire un scénario pour Charlie Mensuel, où il était beaucoup question de voitures. Comme ça m'emmerdait de dessiner des bagnoles, j'ai fait appel au spécialiste, Joost Swarte", racontera Willem. Ce qui explique que l'on retrouve sous le trait de Swarte dans cette histoire deux personnages déjà utilisés auparavant par Willem.

Tout d'abord, Fred Fallo :

(Fred Fallo par Willem, Charlie Hebdo n°72-73, été 1973, repris dans Traquenards & mélodrames (quel beau titre !), Cornélius)

(Le même Fred Fallo par Swarte, Esclaves de la seringue !)

Et l'étrange agent Noface :

(L'agent Noface, par Willem, Hara-Kiri n°150, mars 1974)

(Le même Noface, par Swarte, Esclaves de la seringue !)

Swarte dira plus tard que c'est avec cette histoire qu'il a réellement trouvé son style définitif, entre Robert Crumb et Hergé, Shelton et Brunhoff. Trois autres histoires signées Swarte suivront dans Charlie Mensuel : Imago Moderna, Caesar Soda et Une deuxième Babel. Elles marqueront les rétines de quelques lecteurs, dont celles d'Yves Chaland, un autre jeune qui dessinait comme un vieux (et à qui ça n'est pas passé non plus).

Mais, Joost Swarte, un "spécialiste des bagnoles", vraiment ? On laisserait plutôt cet honneur à son ami Ever Meulen et à ses Oldsmobile vert bouteille.

Quoique, après tout...